Storytelling entrepreneurial : de Oily Me à Menaka #2

Storytelling entrepreneurial : de Oily Me à Menaka #2

#2 : Créer une entreprise, entre la France et Madagascar

Bienvenue de retour dans mon journal d’entrepreneure ! Il y a quelques semaines, je vous avais partagé quelques anecdotes de mon quotidien entrepreneurial. Galères et premières expériences en tout genre, durant les 6 premiers mois de l’entreprise.

A lire : #1 Lancer une box d'huiles essentielles

Je reprends le travail ici, pour vous raconter les 6 mois qui ont suivi. Prêts ? Allez, remontons le temps à la douce époque où le terme “corona” désignait encore une bière à la tequila.

OCTOBRE 2019

Ma relation avec Madagascar est assez binaire. Parfois, c’est l’amour fou, sunshine et cocotiers. Et parfois, je me sens très mal dans ce pays : seule, étrangère, pas à ma place.

Pendant mon voyage de deux mois en 2019, c’était la roulette de l’humeur chaque matin. Allais-je me réjouir de me réveiller au chant de mon poulet Tikoho ou être horripilée par le beuglement des zébus ?

Pendant une période de quelques jours, je me réveillais désespérée chaque matin. Je ne connaissais rien à l’agriculture. Rien à l’aménagement du paysage. Rien à la langue malgache, que j’essayais en vain de maîtriser. Rien à la mentalité des malgaches, qui continuaient de m’appeler vazaha (“étrangère”), avant même de m’adresser la parole, malgré ma couleur de peau chaque jour plus foncée.

Je désespérais de faire quoi que ce soit sur notre terrain. Syndrome de l’imposteur, quand tu nous tiens. Je me disais tant pis, je vais laisser tomber. J’envisageais de continuer les box malgré tout, mais je sentais que le projet ne pouvait pas se tenir sans cet ancrage à Madagascar.

Et puis, je suis allée faire une journée de randonnée dans une réserve naturelle. Pas beaucoup de touristes, au mois d’octobre : j’avais la réserve pour moi. J’ai vu deux lémuriens et un serpent en totale liberté. J’ai découvert de nombreuses espèces végétales endémiques.

J’étais dans la nature, une nature sauvage et préservée. Dans la région de Madagascar où j’étais, c’était rare. En général, la nature est détournée pour donner à des touristes un sentiment d’exclusivité ou pour en prélever toutes les ressources disponibles jusqu’à épuisement.

Au cours de la randonnée, j’ai eu une sorte de révélation. Ce que je voyais autour de moi, c’était mon objectif pour notre terrain. Une forêt mixte et sauvage, des animaux en liberté, des touristes respectueux de la faune et la flore.

A la fin de la journée, mes doutes étaient levés. Ce que j’avais à faire était tellement clair que je ne pouvais y déroger. Je n’avais plus qu’à me remettre au travail, ranger l’ego et les questionnements existentiels, et poursuivre ma mission.

Bref, j’ai eu une révélation pendant une randonnée.

NOVEMBRE 2019

Je suis partie à Madagascar du 24 septembre au 25 novembre 2019. Deux mois. Deux mois, ça fait environ 60 jours. Et à Madagascar, il existe 3 types de visa touristiques : 30 jours, 60 jours et 90 jours. J’ai donc pris le visa 60 jours.

Le 25 novembre, je suis arrivée à l’aéroport comme prévu, j’ai extrait ma valise du tuktuk et dit au revoir à Haja. Je me suis avancée vers le guichet sans trop me poser de question. Retour à la maison quoi, normal.

Le policier a ouvert mon passeport et a cherché le visa de Madagascar. A coté du tampon était écrite la date du 23 novembre 2019. Car oui, peut-être l’aviez-vous réalisé immédiatement, mais 24 septembre + 60 jours = 23 novembre. J’étais donc en situation d’illégalité sur le sol malgache pendant 2 jours.

Valise et billet à la main, je montrais toute la bonne volonté du monde à quitter le pays. Mais j’étais tout de même en situation d’illégalité. Pour remédier à ce problème, j’étais disposée à payer un nouveau visa de 30 jours, d’un montant d’environ 50€.

L’agent me dit des choses plus ou moins compréhensibles. Oui, vous allez payer, mais non, ce n’est pas nécessaire de faire un nouveau visa. Il me demande seulement 30 000 Ar (environ 8€) et tout ira bien. Puis il m’envoie vers sa collègue, au niveau de la boutique, pour lui donner la somme.

En faisant les quelques pas qui me séparent de sa collègue, je réalise ce qu’il se passe. Il me demande un pot-de-vin. Un grand classique, dans la police malgache. Les idées se bousculent dans ma tête. Je paye, oui ou non ?

Non, je refuse de participer à la corruption. Mais je suis en tort, alors oui. Mais les situations de corruption se passent souvent quand on est en tort, alors non. Mais je risque de rater mon avion, alors oui. Mais j’ai vu un panneau “Non à la corruption” à l’entrée de l’aéroport, alors non à la corruption qui ronge ce pays.

J’arrive devant la collègue en question et pour couper le flot de mes pensées, je demande : “Je peux avoir un reçu pour l’extension de visa” ? Elle me regarde ébahie, puis elle regarde au loin son collègue avec un air interrogateur. Il ne lui a pas expliqué ce qui se passait et elle ne pouvait certainement pas me donner un reçu pour un pot-de-vin.

Le policier revient, il m’explique qu’il ne peut pas me donner de reçu “parce que vous voyez …” suivi de maintes explications pour ne pas appeler un chat un chat. En attendant, ça met un petit bazar et ça attire l’attention, ce qui j’espère me sauvera. Je répète que je veux bien payer l’extension de visa, ou un nouveau visa, à hauteur de 50 euros, mais que je veux un reçu.

Agacé, il me renvoie vers son collègue au tout début des contrôles de sécurité sans plus d’explications. Dans l’affaire, pensant visiblement que j’allais payer son pot-de-vin, il avait signé le papier dont j’avais besoin. Je baragouine quelques explications et j’arrive à passer la sécurité, jusqu’à mon avion qui décolle seulement quelques minutes plus tard.

Je prends place dans l’avion, l’esprit en vrac. L’anxiété de le rater (ou de me retrouver en prison) est retombée, j’éprouve une petite fierté à n’avoir pas cédé, mélangée à un sentiment de honte de m’être retrouvée dans cette situation à la base. Croyez-moi, je ne ferai pas l’erreur deux fois.

Bref, je me suis retrouvée en situation d’illégalité à Madagascar.

DÉCEMBRE 2019

Lors de mon voyage à Madagascar, j’avais postulé pour participer à un marché de Noël à mon retour. C’était le marché de Noël de la Maison des Canaux qui rassemblait des entrepreneurs et créateurs éthiques et engagés. Et, Ô bonheur, j’ai appris un peu avant mon retour que j’avais été retenue !

J’avais du stock à écouler. Après 3 mois de box, j’avais décidé d’arrêter les abonnements et de trouver un nouveau modèle. Créer une nouvelle box chaque mois demandait trop de travail et ce n'était pas viable sur le long terme sachant que je voulais rester seule aux manettes.

Lors du marché, j’ai donc proposé des flacons d’huiles individuels ainsi que les quelques box qui me restaient en stock. J’avais préparé des petits gâteaux aux huiles essentielles pour appâter les clients et engager le dialogue.

Le marché a ouvert et j’ai eu mes premiers clients. Ca m’a fait tout drôle de me retrouver dans les chaussures de la vendeuse. J’avais été vendeuse chez Casino pendant une semaine quelques années plus tôt, mais ça n’a pas grand chose à voir.

C’était une très belle expérience. Éprouvante, physiquement et psychologiquement, mais j’ai beaucoup appris. J’ai découvert ce qui plaisait le plus aux clients (une préférence pour les coffrets, sans aucun doute !). J’ai mieux compris leurs besoins. J’ai découvert les tenants et aboutissants logistiques d’un événement tel qu’un marché. Et j’ai affiné le discours de vente (même si ce n’est toujours pas mon fort …).

Bref, j’ai fait mon premier marché de Noël.

JANVIER 2020

Lorsque j’étais à Madagascar, j’avais fait 5 vidéos vlogs de mon voyage. J’avais prévu le coup en partant et acheté un peu de matériel (un micro, un mini-trépied, etc.). En rentrant en France, la question se posait donc de continuer la chaîne Youtube.

J’ai décidé de lancer une série de vidéo sur le thème du Zéro Déchet. A l’époque, ce n’était pas beaucoup plus clair que ça. Je voulais surtout déconstruire les mythes autour du Zéro Déchet et montrer que la plupart des déchets que l’on génère sont cachés, et non pas mesurable au volume de notre poubelle mensuelle.

A regarder : Zéro Déchet, vraiment ?

Je me suis donc lancée. J’ai allumé ma caméra et j’ai commencé à parler, tout simplement. Parler, ce n’était pas le plus difficile, moi quand on me lance … Mais quand j’ai regardé les rushs, je me suis dit : Manue, c’est le bordel. Déjà, je croyais que j’avais blabla illimité. Si j’avais laissé tout ce que j’avais dit, la vidéo aurait duré une heure. Du coup, j’ai coupé des bouts. Sauf que, 5 minutes plus tard, je me rendais compte que je faisais référence à une section que j’avais finalement coupée. Très difficile d’obtenir un résultat satisfaisant.

J’ai fait comme j’ai pu et j’ai mis en ligne cette vidéo, forcément imparfaite. Depuis, j’ai appris de mes erreurs. Je liste les différents sujets à aborder et j’estime le temps que ça va prendre avant de me lancer. J’évite les déblatérations trop complexes et je vais droit au but. Et surtout, je bannis toutes les phrases qui commence par “Comme je vous disais juste avant” !

Bref, j’ai fait des vidéos sur Youtube.

FÉVRIER 2020

En même temps que le marché de Noël, j’avais postulé à un programme au sein de l’incubateur La Ruche (non, ça n’a rien à voir avec La Ruche qui dit Oui). Et j’avais également été prise ! Une très belle expérience, qui a débuté en janvier 2020.

On nous a vite donné des devoirs et notamment celui de réaliser des entretiens utilisateurs. Je trouvais que c’était une excellente idée pour apprendre à mieux connaître ses clients, mais l’exercice n’est pas facile.

Pour me jeter dans la gueule du loup, j’ai posté un sondage sur Instagram. En story, j’ai expliqué le concept d’entretien utilisateur, ce que j’avais envie d’apprendre et quel profil je recherchais. Puis, j’ai posté le sticker sondage avec la question : Est-ce qu’on peut s’appeler au téléphone (Oui/Non) ?

J’ai obtenu une quinzaine de Oui et j’ai envoyé un message à chacun de ces individus. Bots écartés, j’ai pris rendez-vous avec 10 clients potentiels, au téléphone ou autour d’un chocolat chaud.

J’ai passé environ une heure avec chacun d’entre eux (d’entre vous !) et j’ai beaucoup appris. J’avais listé différentes questions pour essayer de mieux comprendre les habitudes de consommation de chacun et là où Menaka pouvait faire la différence.

Ça m'a beaucoup aidé. J’ai gardé les enregistrements des entretiens que je me suis repassée une fois, lorsque j’avais besoin d’inspiration. J’essayais de capter les termes et les intonations qui me faisaient dire : ça, c’est vraiment important !

Bref, j’ai appelé des abonnés Instagram au téléphone.

Et merci encore à toutes celles qui ont participé.

MARS 2020

Mars 2020, le mois où tout a changé … Tadam !

Le 17 mars 2020, ma sœur a eu XX ans (nous resterons discrets sur cette information confidentielle). Et le 17 mars 2020, la France a été confinée. Je faisais partie des gens dans le déni, qui ne croyaient pas à ces histoires de confinement. Le weekend de l’annonce, je lui demandais quel gâteau elle voulait pour notre réunion de famille.

Quand c’est arrivé pour de vrai, j’ai réalisé que ce n’était finalement pas si mal. J’avais beaucoup de travail, mais un travail que je devais effectuer principalement seule sur mon ordinateur. Alors, le confinement m’offrait du temps pour moi.

J’avais la chance de vivre dans une maison avec jardin pendant quelques mois, pile à cette période-là. Et le soleil auquel on a eu le droit ... ☀ J'espère que vous ne me prendrez pas pour un monstre, de me réjouir du combo pandémie / réchauffement climatique ! Disons que je vois les choses du bon côté.

Plus sérieusement, le confinement m’a donné l’énergie d’abattre une grosse quantité de travail pour Menaka sans remettre à demain. Il m’a permis de poser les fondations de l’entreprise dans ce contexte incertain où les lives et les Zoom ont remplacé la vie sociale.

J’ai accepté que les ateliers DIY, les salons et les marchés ne seraient pas les canaux de distributions principaux de Menaka. J’ai compris que la santé, malgré la complexité réglementaire qu’elle implique, avait une place centrale dans l’offre de Menaka. J’ai soigné mon hygiène de vie (yoga tous les matins, petits plats cuisinés et nuits de 8 heures) comme rarement ces dernières années.

Bref, j’ai kiffé mon confinement.

 

C’est terminé pour le moment. Je vous retrouverai bientôt pour vous raconter la suite et rentrer en détail dans ma vie d’entrepreneure pendant cette fameuse année 2020. J’espère que vous aurez plaisir à lire les anecdotes de la vie de Menaka, mais surtout, à les écrire avec moi !